Loloinfo - BlOgue à part

Pour ceux qui n'ont pas peur d'avoir quelque chose entre les oreilles

Vie de merde

Ou comment non, la vie n'est vraiment pas un long fleuve tranquille.


Je vais commencer cet article par une citation de Lamartine : Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé..
Mon frère, mon grand frère s'est envolé et ne reviendra plus. Il nous reste maintenant ces moments passés ensemble, ces fou-rires, ces prises de tête et ces nuits à reconstruire un monde idéal, chacun le sien...

Son cœur a cessé de battre, et il a rejoint, je l'espère, ses rêves lunaires, ce monde fantastique dans lequel il se réfugiait si souvent, et sa famille qui lui manquait tant.
Car c'était avant tout un artiste, qui aimait la musique, poète et écrivain à ses heures, dessinateur puisqu'il en avait fait son métier.

Mais il est ardu de définir, de résumer en seulement quelques lignes la vie d'une personnalité aussi riche et complexe. Une seule page pour une vie entière, c'est emprunter des raccourcis, oublier les détails.
Du coup, pour y parvenir, le seul moyen reste d'entrer dans son petit monde à lui. Dis moi ce que tu aimes et je te dirais qui tu es..

D'abord, il aimait lire, tourner les pages papier d'un livre qui sentait la poussière. La grande littérature, Zola, Balzac entre autres. Des trucs bien plombant sur la condition humaine et la lutte des classes. Dire qu'il s'était envoyé plusieurs fois les 5 premiers volumes des Rougon-Macquart...

John Carter, une princesse de Mars

Ado, Il lisait et relisait sans fin la série de Tarzan et de John Carter (De Mars), de E.R. Burroughs. Il aimait s'évader dans cet univers d'heroic fantasy, peuplé de belles et naïves princesses, de grand gaillards musclés et de monstres aussi laids que méchants.

De la lecture du Seigneur des anneaux, de Tolkien au jeu de rôle, il n'y eut qu'un pas, que nous avons franchi ensemble avec nos copains d'enfance et ce, durant plusieurs années.
Son personnage, Trinidride le Grand était un magicien homosexuel de 2.13 mètres, doué d'une intelligence hors du commun, qui détestait les énigmes et les araignées...

Il dévorait des polars aussi, mais toujours façon début de siècle et teintés de fantastique, avec les aventures de Sherlock Holmes bien sur, mais aussi Rouletabille et le mystère de la chambre jaune, de Gaston Leroux.
Il a poursuivi par les œuvres presque complètes de Georges Simenon et les enquêtes du commissaire Maigret. Toutes ces lectures fleuraient bon la nostalgie et le passé...

Et petit, oui, il lisait aussi. Mais déjà, la lune et le rêve occupaient sa bibliothèque rose et verte avec des histoires de soucoupes volantes et de petits hommes verts.

Little Nemo in Slumberland

Sa véritable passion, c'était malgré tout la bande dessinée. Mais là encore, il ne pouvait pas se tourner vers pas le tout-venant. Cela aurait été trop simple !

Ses premières lectures de bulles, vers 10 ans, furent dédiées à Little Nemo in Slumberland, de Windsor McCay, écrite au début du siècle dernier. L'histoire d'un petit garçon qui, à l'invitation du roi du pays du sommeil, voyageait avec son lit dans un monde imaginaire dès l'endormissement. Après plusieurs tomes et quelques années de parution le jeune Nemo finit par rencontrer la belle princesse dans un pays onirique complètement déjanté.
Ce fut pour lui une révélation. Ce sont ces planches qui lui ont justement donné l'envie de dessiner et de se lancer à son tour dans la BD.

Philemon

Les auteurs se sont enchaînés, avec pour les deux plus importants :
Philémon, de Fred. L'histoire d'un jeune garçon qui, en tombant dans son puits, atteint un monde imaginaire peuplé des habitants des lettres de l'océan atlantique sur la carte. Poétique et un brin barré, on est là encore dans un monde surréaliste, peuplé de centaures, de maisons qui poussent comme des arbres et de lampes naufrageuses qui pourchassent des bouteilles à la mer....
La Série des Yoko Tsuno, de Roger Leloup a eu une influence très importante sur le dessin et la narration de ses propres planches. Cette jeune électronicienne japonaise évolue dans un univers au dessin ultra détaillé, avec des aventures qui mettent en scène, tantôt un peuple extraterrestre pacifique en exil, tantôt des voyages dans le temps. Le style est clair, photographique et les protagonistes un peu bisounours. Voici en résumé ce qu'il aimait de sa vie !

Ont suivi ensuite, dans l'ordre, l'école française de Moebius, Druillet et Enki Bilal, les éditions Glénat de les Humanoïdes Associés, en alternance. Cette génération de dessinateurs, très libres dans le récit et dans le choix de la mise en scène, représentent encore maintenant un vent de liberté d'expression et de pensée qui tend à disparaître devant l'uniformisation de la culture.

Fin d'adolescence, on attaque la période américaine, avec les super-héros de l'univers Marvel et DC comics et le comic-book Strange en particulier. Les histoires importaient peu finalement, il recherchait les styles caractéristiques de John Buscema et Jack Kirby.

Dernièrement, il commençait à s'intéresser aux mangas, comme Black Butler, ou Soul Eater, sous l'impulsion de la génération montante de la famille. Assez réticent au départ, le dessin caractéristique de ces périodiques a fini par l'atteindre et lui parler. Il n'aura pas eu le temps d'approfondir...

Lui aussi dessinait. C'était même un peu son métier. Amoureux de la BD, mais aussi éternel insatisfait, les planches qu'il préparait n'ont jamais été publiées en dehors du cercle familial intime. Elles racontaient, bien sur l'histoire d'un aventurier solitaire au grand cœur, qui sauve une princesse des griffes de méchants extraterrestres, sur fond de guerre froide dans les années '80.
J'ai participé à l'écriture du scénario et c'est avec une immense tristesse que je vais laisser ces pages originales de réintégrer définitivement leurs cartons et leur grenier.


Si vous voulez vous faire une idée de son coup de crayon, visitez son blog, sur lequel il se rendait de temps à autres, pas très souvent en réalité...

Guy Béart - L'avenir

Côté musique, je suis moins admiratif, mais elle aussi, occupait une grande place dans sa vie.
De la variété française bien de chez nous, vieille de 30 ou 40 ans, Fugain et son Big bazar, Michel Sardou dans ses œuvres complètes, Joëlle et Il était une fois. Bon...

Il y a un album, presque disparu maintenant qui a marqué son enfance : L'avenir de Guy Béart. Cette fable poétique et écolo, nostalgique et lunaire, l'avait tout d'abord attiré par sa pochette dessinée par Moëbius.

Bernard Lavilliers lui aussi, a souvent rempli nos soirées communes. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je précisais que la musique de Nanard était pour moi chargée de souvenirs dans un précédent post.

Mais il y a un groupe, anglais, qui a accompagné sa vie à tous les instants, c'est ELO.
The Electric Light Orchestra était un chose étrange, presque conceptuelle à ses débuts dans les années '70. Une dizaine de musiciens sur scène mélangeaient habilement des partitions classiques, du rock, du disco, le tout dans un univers de Space Opera avec des lazers partout.
Une voix très sympa, de la guitare électrique, du violon et plein de synthés, tout ceci se déroulait en pleine révolution Star Wars et Grease.

Jeff Lynne et son Orchestre de l'Ampoule Electrique n'avaient aucun secrets pour lui.

Roi de Hurlevent

Il jouait beaucoup aussi, et la micro-informatique des années '90 lui a apporté une nouvelle façon de s'amuser. Il a usé son vieil Atari jusqu'au bout, puis a découvert les premiers PC, puis Internet.

Depuis presque 10 ans, le jeu en ligne World of Warcraft occupait une bonne partie de son temps libre, à casser de l'orque et du gobelin.
Suite logique des jeux de rôle sur plateaux de notre jeunesse, ces mondes en réseaux offrent une expérience et des sensations fantastiques et nous avons passé quelques nuits à combattre ensemble malgré la distance.
Il y a même un petit bonus dans ce jeu : l'addiction, il faut bien l'avouer. Dans son cas, cette plongée dans les mondes persistants s'est déroulée au détriment du dessin.
Cela importe peu maintenant.

Tout ce que je viens de décrire formait un tout, un univers dans lequel il se retrouvait. La lecture, la BD, les jeux, la musique, tels étaient ses mondes, ses plaisirs et c'est ainsi que je veux me souvenir de lui.

Il était artiste, donc il ne parvenait pas à assouvir complètement ses passions, certes, mais il s'émerveillait de toutes ces choses.
Il s'exaltait pour toutes ces nouveautés, mais en revendiquant un passé idéalisé. C'était un homme tout en contradictions, mais en aucun cas indifférent aux autres...

C'est pour cette raison que je souhaitais lui rendre hommage, même si je sais qu'il ne me lira plus.
Je voulais montrer pourquoi tout le monde l'aimait ou l'appréciait, tant dans sa famille, ses amis que ses collègues, et pourquoi j'ai eu ce besoin particulier, aujourd'hui, de l'écrire.


Bienvenue à Bradorland

Il y a une dernière chose qu'il adorait en plus de tout le reste, et ce sera pour moi le mot de la fin.

Il vouait un culte tout particulier aux dialogues de Michel Audiard, avec des films comme Les Barbouzes, Ne nous fachons pas, Le cave se rebiffe et encore plein d'autres monuments de la culture populaire des années 1960.
Ces films existaient surtout grâce aux textes, et à la présence particulière de cette génération d'acteurs.

Il en est un qu'il regardait sans fin, dont il connaissait les répliques avant même qu'elles ne sortent le la bouche des personnages, c'est Les tontons flingueurs, adapté pour le cinéma de son roman Le terminus des prétentieux.

Voici donc, pour lui dire Au revoir, une des scènes cultes qu'il préférait, avec celle de la cuisine.

Sources:
Vidéos: Fugain - Ticket to the moon - Tontons flingueurs
Images : John Carter - Beart - Little Nemo - Philemon - Wow

Aurélia :

C'est un très bel hommage et ensemble on continuera à faire vivre ton grand frère en allant découvrir ou redécouvrir tout cet univers que tu nous fais partager dans ton article et que lui aussi nous a transmis avant de partir vers la constellation.

«Un frisson dans un rêve, si je pars avant toi, un sourire sur tes lèvres, tu sauras que c'est moi.» - Michel Sardou

Dessinsdabeille :

On ne pouvait pas faire un plus bel hommage ! Vous m'avez émue...

Dessinsdabeille.

Loloinfo :

@Dessinsdabeille : Merci...

Teuteuf83 :

Bonjour mon cousin c'est super cet hommage pour Bruno et par la même occasion je voudrais te dire que c'est super ce que tu écris vraiment tu écris très bien j'ai découvert ton blog ce soir et j'ai tout lu vraiment j'aime beaucoup ♥

Loloinfo :

@Teuteuf83 : Hello cousin. Il y a eu une grosse pause sur le site, mais les affaires reprennent. Tu pourra me lire en attendant de se voir en direct... Bizes